• Une mission avec la 11ème Escadrille de Chasse de Nuit en 1955.
  • Article tiré de "Force Aérienne 1955", une édition du Ministère de la Défense Nationale.
  • Article relaté par le Capitaine Aviateur BEM Remacle. (1955)

 

 

 Une nuit de 1955 - Excercice KINGPIN.

 

Bombardiers volant toujours plus haut, toujours plus vite, bombes atomiques et thermo-nucléaires, telles sont les caractéristiques d'une menace à laquelle l'aviation de chasse doit pouvoir s'opposer.
A côté des escadrilles de chasse de jour qui sillonnent le ciel belge, des escadrilles de chasse de nuit, sont prêtes à remplir leur mission de défense si le pays était attaqué de nuit, ou lorsque la visisbilité est mauvaise ou quasi nulle.


Peut être avez vous déjà remarqué les Mosquitos, ces bimoteurs ronflants, glorieux vestiges de la dernière guerre, ou ces Meteor NF11 que l'on qualifie bien souvent de "Longs nez".
Aux premiers, incombe l'entraînement des jeunes navigateurs et aux seconds la participation réelle à la défense de nuit.
L'escadrille de ces chasseurs est, en apparence, semblable à toute autre.
Le personnel navigant y est pourtant plus nombreux. Dans le local qui leur est réservé, pilotes et navigateurs forment autant d'équipages qui se réjouissent des missions qui leur seront dévolues ; on parle de radar et de navigation.

Soudain, les discussions cessent, le Commandant d'Escadrille vient d'entrer :

" Ce soir exercice KINGPIN ! 
  Effort maximum, nous devons intercepter des Lincoln's  (Avro 694 Lincoln) du Bomber Command. Ils voleront dans les environs de 25.000 pieds. les premiers décollages sont prévus vers 20 heures".

 

Et ainsi se poursuit l'exposé des ordres et la mise au courant des situations météorologiques et tactiques. Cette conférence préliminaire porte le nom de briefing
Un quart d'heure plus tard, l'atmosphère de la salle de réunion, le dispersal est entièrement bouleversée. Tandis que certains équipages qui ne participent pas à la manoeuvre restent dans leur fauteuil et ronchonnent, les autres sont véritablement déchainés.

Les pilotes harcèlent les navigateurs :

- "Alors quoi ? Tu n'es pas encore prêt ? "
- "Non, j'ai oublié mes cartes".
- "Holà ! Qui a pris mon casque ? "

Tout se calme, et deux par deux, unis par cette amitié et cette confiance nées de ces nombreuses heures  de vol vécues ensemble, ils se dirigent vers leur avion.

Les Night Flight Tests (1) doivent être fait avant l'action.

La nuit est tombée, il est 19.30 hrs. Les équipages attendent.   Attendre ... l'Aviation n'est elle pas une école de patience ?

Revêtus d'une combinaison grise couverte d'une veste de sauvetage d'un jaune cru, coiffés d'un casque muni du masque à oxygène et du microphone, les pieds chaussés de grosses bottes fourrées, ils grillent paisiblement une cigarette...

La sonnerie du téléphone retentit :

- "Faites décoller 2 avions - Vecteur 060 - Altitude 25.000"

S'installer dans l'habitacle, mettre les moteurs en marche ne prend que deux minutes.


L'appareil avance. Prudemment le pilote le dirige vers la piste, n'ayant comme repère qu'une succession de lampes bleus et blanches qui délimitent dans l'obscurité le chemin qu'il doit suivre.

Dernière vérification des instruments de bord, un mot au navigateur : -"Es tu prêt ? " et moteurs à pleine puissance, il s'élance dans la nuit.
Les yeux rivés sur les instruments, le pilote obéit aux ordres qui lui sont donnés par le contrôle au sol. L'avion grimpe, le navigateur met la dernière main à son radar d'interception.
Ils sont seuls. Seuls dans cette obscurité qui les enveloppe, rattachés de temps en temps à terre par des instructions, des renseignements que transmet la radioo.
Soudain, l'équipage se tend. Le contrôleur vient d'annoncer : - "Avion ennemi à 20 kms - Altitude 22.000 - Cap 360 ".
Les ordres se succèdent. Le navigateur scrute les écrans afin d'y déceler le plus rapidement possible la tache lumineuse qui matérialisera la présence d'un bombardier ennemi.
Cette tache apparaît : - "Contact - Judy" (2)

Dès ce moment, le pilote n'obéit plus qu'aux ordres du navigateur.
Avec précaution, ils se glissent dans le sillage du bombardier et s'en approchent, cherchant à situer les contours incertains de se silhouette massive.
Il est là, à cinq cent mètres, puis à deux cents. Un simulacre de tir. Le contrôle est averti par un simple mot : murder qu'un bombardier ennemi ne rentrera plus.

La mission n'est pas terminée, d'autres bombardiers menacent encore le ciel. Et l'équipage du chasseur de nuit sera peut être appelé à d'autres missions jusqu'à ce que le contrôle l'autorise à rentrer à la base.

Au dispersal, l'atmosphère est enfièvrée. Chacun veut, à grand renfort de gestes, raconter comment il a obtenu son ou ses murders.
Le brouhaha augmente :

- " Ici, apporte moi une tasse"
- " Le thé est servi"

 

Cpt Avi BEM Remacle.
(1955)

(1) Night Flight Tests : Terme employé pour les essais en vol de l'avion et du radar de bord.
(2) Mots code signalant au contrôle au sol que l'équipage peut se passer de son aide.

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