• Le dernier vol du EG210 MN-D relaté par l'ADC Avi e.r. Jan Govarts.
  • Article tiré de "Chronique du 1Wing de Chasse 1946-1996".

 

 

28 Mai 1954 - Dernier vol du EG210 MN-D.

 

En ce temps-là, les jeunes de l'escadrille se devaient d'écouter les "anciens" et surtout d'appliquer à la lettre les consignes !
Les longues théories au sol n'étaient guère prisées et c'était en vol que s'ap­prenait le dur métier de pilote de chasse. Suivre son leader "envers et contre tout", ne le perdre des yeux à aucun prix était le premier des com­mandements !

Tous les vols s'effectuaient en formation à l'exception du premier solo sur Meteor F8 lors de l'arrivée en escadrille.
Pas moins d'une cinquantaine de Meteors F8 constituaient l'effectif des escadrilles de Chasse de Jour du 1 Wing.
La 4ème Escadrille avait été la dernière a en être dotée en avril 1953. A l'exception des 23 premiers exemplaires obtenus des stocks de la RAF et qui avaient équipé la 350ème Escadrille à partir de mai 1951, tous les avions étaient sortis flambant neufs des chaînes de montage de Fokker ou de Fairey.
Certains, cependant avaient "vieilli" assez vite, en effet, ils n'étaient pas toujours traités avec douceur dans le cadre de l'entrainement journalier. De plus les mauvais atterrissages et autres maladresses avaient eu sur leur état général, des répercussions parfois néfastes. Plus d'un Meteor avait un "curriculum vitae" chargé : dépassement du facteur de charge, atterrissage sur le ventre, décompression explosive...  Dans ces conditions, rien d'étonnant que certains soient "tordus".

Le Meteor F8 possédait un "trim" sur les gouvernes de profondeur et de direction, qui permettait d'équilibrer l'appareil. Le trim de direction était particulièrement utile en cas de vol sur un moteur. Mais il n'y avait pas de "trim" sur les ailerons ! Seule une petite surface de compensation facili­tant les virages - un tab - dont l'incidence, à ajuster au sol, permettait de rattrapper une asymétrie éventuelle. En vol, le cas échéant, c'était à la force des bras qu'il fallait "compenser" pour maintenir une trajectoire rec­tiligne.
Au retour du vol, il fallait avertir le "crew-chief" et inscrire dans la "F700" : l'avion tire à droite, tourne autour de son axe en 12 secondes ...
Sur base de ces informations précises (!), le mécano sortait son tournevis (instrument miraculeux) et ajustait "au jugé" le fameux "tab". Inutile de dire que lors du vol suivant l'avion tirait à gauche tour­nant toujours autour de son axe en 12 secondes !

Le EG-210, MN-D était un oiseau rétif. Non seulement il refusait obsti­nément le vol rectiligne, mettant son pilote au bord de l'épuisement au bout d'une demi-heure mais de plus, les moteurs n'étaient pas synchrones, la pression de cabine fluctuait de facon continue, la radio sifflait ... résul­tat, l'avion avait trouvé sa place dans un coin du hangar, le plein de car­burant effectué, toujours prêt à voler... mais tout le monde préférait igno­rer l'existence du "hangar bird".

Cependant, le 28 mai 1954, "quelqu'un (!)" décida de le confier au Sergent François "Sus" Hoes, récemment arrivé à l'escadrille, pour son premier solo. Espérait-on secrètement se débarasser ainsi d'un avion indésirable ?

"Sus" vient en effet d'être "lâché" par le Capt Alain Blume après un vol en double sur Meteor T7. 
Il quitte à présent le dispersal en se demandant pourquoi tous les pilotes le regardent de facon bizarre ... On raconte même que le chef de hangar a décoré la "F700" de l'avion d'un ruban noir ...

Il ne fallait pas plus de 650 litres de carburant pour ce premier solo qui se résumait à un vol local de 15 minutes dans le circuit d'aérodrome. Mais voilà, le plein complet avait été effectué : 1458 litres - de toute évidence le vol durerait plus de 15 minutes ! En théorie du moins...

Au briefing matinal, le prévisionniste météo avait annoncé des orages dans l'après-midi. Il ne s'était pas trompé (étonnant diront certains !).
"Sus" est à peine "airborne" que les premiers coups de tonnerre éclatent. Darre-darre on rappelle notre "premier solo", l'enjoignant d'atterrir sans délai.

Un premier solo, un avion "lourd" qui vole comme un fer à repasser, l'orage qui éclate. Tous les élément sont réunis pour que le "drame" se déroule.

La prudence commande d'effectuer un break pas trop serré, de maintenir une vitesse supérieure à la normale - 120/130 kts...
OK mais l'avion "overshoote" l'axe de piste. Repartir ? L'orage est la ! Non, essayer de faire la piste : du moteur, tirer "dedans" mais l'avion s'enfonce , car "Sus" a oublié de rentrer les aérofreins dans le dernier virage !

Il ne faut pas être expert en aérodynamique pour imaginer la suite. Le Meteor prend contact violemment avec le sol, fauche son train et poursuit sa glissade, évitant quelques vaches, emportant une haie avant de s'im­mobiliser non sans avoir tordu au passage les rails du tram vicinal La Bruyère-Nodebais.

Silence de mort - Pas de signe de vie en provenance du MN-D. Le Capitaine Pierre Denis est le premier sur les lieux. Il aperçoit "Sus" tou­jours sanglé dans son cockpit.
-  "Eh bien Sus, ca va ?"   
S'étant persuadé qu'il ne s'agissait pas d'un ange mais bien de son Flight Commander, "Sus" lui répondit, mettant la main devant son visage :
-"ma Capitaine, j'ai vu "le" mort comme ça et il s'est arrêté-la !

ADC Avi e.r. Jan Govaerts

 

Note :


L'ironie du sort fera que le 350 Squadron recevra plus tard un autre Meteor F8 immatriculé MN-D.  Il s'agira du EG120.
Le 26 Avril 1956, "Sus" Hoes est au commande du EG120 MN-D lors du décollage en formation de quatres Meteor F8.
Pour une raison indéterminée, alors qu'il est tout juste "airborne" il entre dans le "jet blast" de l'avion qui le précède et est violemment  rejeté sur la piste, laissant une importante trace de pneus derrière lui. 
Une question se soulève dès lors, sa roue est-elle crevée ou pas ?  Il est dès lors décidé de faire atterrir "Sus" Hoes train rentré sur la partie en herbe longeant la piste.
Le MN-D ne sera pas réparé et sera déclassé en 1957. 
"Sus" continuera de voler à la 350 sur Meteor, puis ensuite sur Hunter et CF-100, avant de poursuivre sa carrière à Koksjide où il accumulera pas moins de 3000 hrs de vol sur Sikorsky.

 

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