Catégorie : Appendices
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 23 Juin 1956 - Une journée avec la 4ème Escadrille à Sylt.

 

RAF Station Sylt 

 

Le 23 Juin 1956 était un samedi. Il faisait beau sur l'île de Sylt, au nord de l'Allemagne.


La 4ème Escadrille participait à une période de tir Air/Air du 04 au 28 Juin 1956 sur la grande base ex-Luftwaffe occupée par la RAF depuis 1945. (*)

(*) Depuis 1954, un accord a été passé entre la Force Aérienne Belge et les autorités Britanniques pour que nos escadrilles de chasse puissent s'entrainer aux exercices de tir aériens dans un secteur se trouvant au large de l'île de Sylt, au départ de la "Royal Air Force Station - Sylt", non loin de la ville de Westerland.

 

Etant Lieutenant et Commandant de Flight à la 350, ainsi que PAI (Pilot Attack Instructor), j'avais été envoyé en renfort à la 4ème Escadrille pour la période, qui s'étendait du 04 au 28 Juin.

 

La journée de vol se déroulait jusqu'à midi, puis nous étions en week-end jusqu'au Lundi matin.
Nous comptions aller sur la plage, et pourquoi pas visiter un camp de naturistes (s'il faisait assez chaud ! )

J'avais tôt le matin effectué deux tirs.
Nous partions à deux dans le secteur se trouvant au large de l'île de Amroum (au Sud de Sylt), une île d'une dizaine de kilomètres de long sur cinq kilomètres de large.
Nos Meteor 8 emportaient chacun 50 obus pour deux de nos quatre canons de 20 mm. La mission se faisait à 3000 pieds (1000 mètres), et nous tirions sur la cible remorquée par un autre Meteor F8 avec un angle d'attaque de minimum 10°, normalement entre 600 et 200 yards. Ce n'était pas facile, mais très excitant. Les missions duraient 30 minutes.

A la première mission, nous n'avons pas tiré, la Flag étant U/S. A la deuxième mission, j'avais fait 24/100, ce qui n'était pas trop mauvais comme résultat.

 Le CO de la 4ème Escadrille, le Capitaine Yves Bodart, voulant faire la dernière mission de tir de la journée, m'avait désigné pour être en charge des vols de l'Escadrille.

Le CO dans le Meteor SV-G (EG-171) décolle donc avec son ailier pour aller tirer.
Après une vingtaine de minutes, on me téléphone de la tour pour me dire que le SV-G a atterri en catastrophe sur l'île de Amroum. Je prends les mesures d'urgence en cas d'accident.

Que s'est il donc passé ?

Au cours d'une attaque, le CO Bodart a d'une rafale coupé le câble de la cible.
Celle-ci se trouvait approximativement à 600 yards derrière le remorqueur. La cible mesurait 30 pieds sur 10 pieds de haut. (10 mètres de long sur 3 mètres de haut)
Pour la maintenir droite, elle était fixée à l'avant sur une robuste barre en acier, avec un gros poids de fonte dans le bas, pour la maintenir toute droite.
Lors des attaques, il était impératif, à la fin de la passe, de dégager au-dessus de la cible; ceci afin de l'éviter dans le cas où elle serait endommagée.

Surpris par la cible arrêtée, suite au câble coupé, le CO a voulu passer en dessous, et l'a heurtée de plein fouet avec son avion.
La barre de la cible est venue tout d'abord toucher la partie avant gauche du fuselage, puis a ensuite brisé la verrière, tout en donnant un bon coup sur la tête du pilote qui, heureusement portait un crash-helmet.
Ensuite la barre s'est encastrée dans le bord d'attaque de l'aile gauche bloquant en partie les commandes des ailerons qui passaient à cet endroit.
La cible fut ensuite emportée par le vent, et tomba en mer.

Heureusement, Yves Bodart était un pilote exceptionnel.
Deuxième chance, il était en vue, et pas trop loin, de l'île de Amrum. Celle-ci avait une magnifique plage sans obstacles, longue de plusieurs kilomètres et large de près d'un kilomètre. Je n'ai jamais vu de plus belle plage.

Le CO, étourdi, ne pouvant plus manoeuvrer son train d'atterrissage, amena son avion à plus ou moins 300 noeuds, pour tâcher de se poser sur la plage. Il y réussi parfaitement.

Quelques minutes après, l'hélico de sauvetage de Sylt, un Bristol Sycamore, arrivait sur les lieux et ramenait Yves Bodart, un peu sonné mais en parfaite santé. Il avait eu une sacré chance ! 

 

Et les problèmes commencèrent.

Comme l'avion avait crashé juste avant le week-end, on ne pouvait s'en occuper avant le Lundi. Les Britanniques nous demandèrent donc de désigner un Sergent et trois hommes pour monter la garde sur la plage à côté de l'avion pendant trois jours.
Quatre personnes furent désignées et envoyées par hélicoptère sur Amroum, avec une tente, et des rations.
Ils s'en allèrent, vraiment pas contents car leur week-end était perdu.

Le Lundi, on parti rechercher nos quatre malheureux Belges exilés depuis trois jours sur une île perdue.
Mais surprise, ils ne voulaient pas revenir, mais plutôt rester de garde encore le temps qu'il fallait !
C'était bien la première fois que des militaires de service ne souhaitaient pas de relève.

Pourquoi ?

Nos hommes étaient arrivés sur une île qui n'avait plus vu de militaires depuis 1954. De plus, c'était le début des vacances et des touristes étaient présents.
Et enfin, un avion qui a atterri sur une plage, ce n'est pas très courant.

En bref nos amis avaient été fêtés et avaient fait la java pendant trois jours autour du Meteor !

 

Heureux temps où les militaires étaient encore aimés et appréciés !

Et l'avion ?

A ma connaissance, il fut abandonné après que l'on eut récupéré les pièces et les instruments encore en bon état.

 

A la 4ème Escadrille, on ne s'ennuyait pas ! 

 

Hervé Donnet.
Col Avi